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Nouvelle de mars

5 Mars 2009, 09:22am

Publié par Actu.Saint-Bénigne

Le harki, Remache...


Depuis le début du mois de janvier, la pluie n'a cessé de tomber. Les ruelles à peine plus larges que le bât d'un baudet et qui, partant à l'assaut des collines, serpentent entre les maisons, ne sont plus que ruisseaux. L’eau ravine le sol, en détache les pierres qui roulent sous les souliers.

La nuit, une de ces nuits d'encre, fréquentes en hiver sur les pentes du Djurdjura, s'est abattue d'un seul coup. Une obscurité totale.

Dans le noir, l'impossibilité de trouver des repères les fait hésiter. Ils avancent prudemment, heurtent les pierres, glissent sur la boue et manquent de s’écrouler à chaque pas.
Ils sont huit soldats, perdus dans la nuit sur le flanc Ouest du Djurdjura.
Chacun d’eux cherche ses appuis et tend le bras de temps à autre pour toucher celui de devant. Comme pour se rassurer. Ils se taisent. Ils savent ce qu’ils ont à faire et, malgré leurs maladresses, s'efforcent d'être silencieux.

Remache, le harki, est avec eux. Il marche au milieu de la colonne, trois derrière lui, quatre devant. Ses compagnons ne se méfient pas vraiment de lui. Ils ont tant de fois « crapahuté » ensemble. Cependant, dans une autre compagnie cantonnée sur le versant d'en face, des harkis ont trahis pour sauver leurs familles. Elles avaient été menacées de mort par le FLN.

La nuit, pendant leur tour de garde, ils ont ouvert les portes d'un camp installé au sommet d'une colline. Il y a eu des morts... De simples soldats, des appelés… Toute l'armurerie emportée... L'alerte n'a été donnée qu'après la découverte du massacre par une colonne de liaison.

Certains harkis, dont on était peu sûr ont été désarmés. Pas Remache, c’est un sous-officier. Mais l'ordre avait été donné de le tenir à l'œil.

Le sergent Bonson maudit tout haut le commandant de compagnie qui l'avait envoyé là avec son groupe. "On est comme dans un tunnel, un trou noir, un piège à rat ! Avec le vacarme que l’on fait, on va se les faire couper…".

Remache entreprit de remonter la colonne. Il avait un pas de félin. Dans le noir, tout occupé à se tenir debout, le groupe n’y prêta pas attention.

Staf, l'éclaireur, se décala soudain, alerté...

Calès, qui le suivait, le dépassa sans comprendre. Tenant son arme dans la main gauche il chercha du bras droit un appui, ne trouva que le vide et bascula…

Il y eu comme un éclair. Un bruit terrible. Calès se sentit tiré, balancé en arrière. Mis à terre, le dos plaqué sur une pierre, il ne vit que des gerbes de feu. Un véritable tonnerre déferlant en saccades juste au-dessus de son visage, l'assourdit…

Trente secondes, cela n'a pas duré plus.

Un long silence... Le dos déchiré par la pierre, Calès n’osait bouger.

Enfin trois mots, une main qui le cherche "Calès, ça va ?".

C'était Remache.

Il avait perçu le danger. Remache connaissait tous ces chemins. C'était ceux de son enfance. Lui seul avait compris que la colonne allait aborder un secteur dangereux. Un croisement de pistes surplombé à leur droite d'un gros rocher. Dans le noir, Calès et les autres avaient perdu toute notion. Cette poigne qui l'a retiré du vide, l'a mis à terre à l'abri des balles et qui a riposté avec rage aux embusqués entrainant la réplique du reste du groupe, c'était Remache...

En se jetant à terre avant d'ouvrir le feu, le sergent Bonson avait brisé l'anse de son transmetteur. Celui-ci avait dû rouler quelque part entre les rochers. Il ne lui était plus possible d'entrer en liaison avec le commandement. Hormis quelques bobos, le dos meurtri de Calès, son groupe était sauf. Il était un peu plus de minuit. Il décida de décrocher…

 

Extrait de « Mémoire de moi » Dépôt légal.

 




Commémoration du 19 mars 1962.
Rendez-vous à 11 heures devant le Monument aux Morts de Saint-Bénigne..
Vin d'honneur offert par la municipalité, salle de la cure, après la cérémonie.

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